Dispense de précompte professionnel pour le travail en équipe et le travail de nuit: les primes doivent être déterminées au sein de la documentation sociale à partir du 1er avril 2024

Dispense de précompte professionnel pour le travail en équipe et le travail de nuit: les primes doivent être déterminées au sein de la documentation sociale à partir du 1er avril 2024

Si, en tant qu’employeur, vous souhaitez continuer à bénéficier du régime de dispense du versement du précompte professionnel pour le travail en équipe et le travail de nuit, la prime d’équipe et de nuit doit alors être déterminée dans une convention collective de travail (CCT), dans le règlement de travail ou dans un contrat de travail individuel (ci-après « documentation sociale ») à partir du 1er avril 2024. Cette exigence s’inscrit dans le cadre du renforcement des conditions d’application de la dispense en vigueur depuis le 1er avril 2022. Pour l’adaptation éventuelle de leurs CCT, règlement de travail ou contrats de travail, les employeurs ont bénéficié d’un délai supplémentaire. Toutefois, ce régime transitoire est sur le point d’expirer… Dans cette newsletter, nous abordons quelques questions pratiques concernant cette nouvelle exigence.

1. Récapitulatif: un durcissement des conditions de dispense en 2022

En 2022, certaines conditions d’application pour bénéficier du régime de dispense ont été renforcées. Sans être exhaustif[1], certaines des clarifications et modifications les plus importantes concernaient : (i) l’exigence que les primes respectent un minimum réglementaire, (ii) une distinction stricte entre, d’une part, les règles applicables en matière de travail en équipe et, d’autre part, celles applicables au travail de nuit, et (iii) des modifications concernant la norme du tiers.

Bien que les CCT et le règlement de travail applicables sont systématiquement réclamés à l’occasion de contrôles fiscaux, un employeur peut encore aujourd’hui appliquer la dispense sans que les primes d’équipe ou de nuit ne soient déterminées dans ces documents. Ce principe changera à compter du 1er avril 2024. Une prime attribuée ou payée à partir de cette date ne pourra être considéré pour le système de dispense que si elle est constatée par CCT, règlement de travail, ou contrat de travail entre l’employeur et le travailleur.

2. F.A.Q.

2.1 Cette condition de forme s’applique-t-elle également aux primes d’équipe et de nuit déjà introduites avant le 1er avril 2024 ?

La nouvelle condition s’applique aux primes payées ou attribuées à partir du 1er avril 2024, peu importe si cette prime existait déjà ou si n’a été introduite qu’à partir du 1er avril 2024.

Si un employeur paie systématiquement les salaires à la fin du mois, les primes d’équipe ou de nuit payées pour le mois d’avril 2024 doivent être incorporées au sein de la documentation sociale.

2.2 J’accorde des primes d’équipe ou de nuit aux travailleurs conformément aux conditions sectorielles. Dois-je le confirmer dans une CCT d’entreprise distincte, dans le règlement de travail ou dans un contrat de travail individuel ?

Selon les travaux parlementaires, il suffit que la prime d’équipe ou de nuit soit prévue dans « une des CCT déclarées applicables à l’entreprise ». La réglementation ne prévoit donc pas expressément qu’il doit s’agir d’une CCT d’entreprise.

Si la CCT sectorielle est rendue obligatoire (ce qui est généralement le cas), cette CCT sectorielle s’applique alors à tous les employeurs et travailleurs relevant du champ d’application de la commission paritaire au sein de laquelle la convention collective a été conclue[2].

Même si la CCT sectorielle accordant une prime d’équipe ou de nuit n’a pas été rendue obligatoire, l’employeur est tenu de la respecter, même s’il n’est pas membre d’une organisation représentative d’employeurs[3] , à moins que, dans ce dernier cas, il n’y soit expressément dérogé dans un contrat de travail individuel.

En ce sens, la CCT sectorielle répond à l’exigence selon laquelle l’octroi de la prime d’équipe ou de nuit est prévu dans « une des CCT déclarées applicables à l’entreprise » et la conclusion d’une CCT d’entreprise supplémentaire n’est pas nécessaire. 

Il convient de noter que le respect d’une CCT sectorielle ne constitue pas une garantie pour l’employeur que les conditions sont remplies afin de pouvoir bénéficier du régime de dispense.

2.3 Que doit-on précisément reprendre dans la CCT, le règlement de travail ou le contrat de travail individuel ?

Conformément aux dispositions légales, une prime d’équipe ou de nuit doit (i) être octroyée suite à l’exercice d’un travail en équipe ou d’un travail de nuit, (ii) être d’au moins 2 % (prime d’équipe) ou 12 % (travail de nuit), et (iii) être également incorporée au sein de la documentation sociale.

L’administration fiscale vérifiera toujours si la prime remplit ces trois conditions. Le nom donné à la prime n’est pas déterminant. Dans la pratique, il est donc conseillé d’indiquer au moins brièvement la raison de l’octroi de la prime ainsi que son montant (pourcentage, montant fixe, périodicité…) au sein de la documentation sociale.

Lors de l’élaboration de modalités d’octroi plus détaillées, il est conseillé à chaque fois de vérifier celles-ci

En tout état de cause, lorsqu’on élabore des modalités d’attribution plus détaillées, il est conseillé de les confronter aux différentes exigences relatives à la dispense (p.ex. la prime est-elle accordée à tous les travailleurs effectuant un travail d’équipe ? ; l’exécution d’un travail d’équipe est-elle la raison de l’octroi de la prime ? ; qu’en est-il de l’attribution de la prime en cas de suspension du contrat de travail ou d’occupation en équipe de jour ?)

2.4 Les travailleurs ont droit à des primes d’équipe ou de nuit selon des modalités propres à l’entreprise. Vaut-il alors mieux opter pour une CCT d’entreprise, le règlement du travail ou encore une mention dans le contrat de travail individuel ?

Une unique réponse ne peut être donnée à cette question. Tout dépendra des circonstances concrètes.

Dans chaque cas, il faut tenir compte des exigences spécifiques, propres au format choisi, ainsi que des conséquences découlant de la hiérarchie des normes.

  • Quelques points d’attention lors de la conclusion d’une CCT d’entreprise

Une CCT d’entreprise est signée par l’employeur et la ou les organisations représentatives des travailleurs. Dans la pratique, cette dernière est représentée par le secrétaire syndical externe.

Une CCT d’entreprise doit également contenir un certain nombre de mentions obligatoires, conformément à la loi sur les conventions collectives de travail. Si une ou plusieurs mentions obligatoires sont manquantes, le SPF Emploi refusera alors d’enregistrer la CCT. La formalité d’enregistrement ne doit pas être perdue de vue. Une CCT non enregistrée n’est pas une convention collective de travail au sens de la loi sur les conventions collectives de travail. Cela ne signifie toutefois pas qu’une convention collective de travail non enregistrée ne peut pas avoir de conséquences juridiques.

Enfin, lors de la rédaction d’une CCT d’entreprise, il est également important d’anticiper l’effet des dispositions normatives individuelles dans le contrat de travail individuel et d’inclure les clauses nécessaires pour éviter cela.

  • La modification du règlement de travail

Le règlement de travail ne peut pas être modifié du jour au lendemain. Une procédure spécifique (et plutôt formaliste) s’applique. Cette procédure diffère selon qu’un conseil d’entreprise est actif ou non au sein de l’entreprise.

  • Une mention dans le contrat de travail individuel

Le législateur prévoit également la possibilité de mentionner la prime d’équipe et/ou de nuit dans le contrat de travail individuel.

Cela signifie qu’un employeur devra signer une annexe au contrat de travail avec chaque travailleur déjà en service au 1er avril 2024, ce qui nécessite un suivi administratif. Pour les nouvelles embauches, l’employeur peut désormais inclure une clause standard dans le contrat de travail.

2.5 CCT, règlement de travail ou contrat de travail individuel : l’impact de l’attitude des autres parties concernées

Une CCT n’est pas conclue par un employeur seul, l’adaptation du règlement de travail n’est possible qu’après avoir respecté une procédure spécifique, et une inscription dans le contrat de travail individuel suppose l’accord du travailleur.

Que se passe-t-il lorsqu’un syndicat n’accepte de coopérer à la signature d’une CCT d’entreprise que si d’autres revendications sociales sont satisfaites ? Que se passe-t-il si les membres du conseil d’entreprise n’acceptent une nouvelle mention dans le règlement de travail que si d’autres passages sont également adaptés ? Ces considérations peuvent également entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de décider de la documentation sociale qui inclut la prime d’équipe ou de nuit.

Si vous avez des questions additionnelles à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter. Tiberghien et ALTIUS peuvent vous aider à préparer la documentation nécessaire, à analyser le système de primes applicable dans l’entreprise, à vous assister lors de contrôles fiscaux, … 

Ce blog a été rédigé en collaboration avec Daan Buylaert (Associé, Tiberghien) et Gauthier Vandenbossche (Scientific Advisor, Tiberghien).


[1] Pour plus d’informations, nous renvoyons aux newsletters précédentes: https://www.tiberghien.com/nl/3333/wijzigingen-aan-de-vrijstelling-van-doorstorting-van-bedrijfsvoorheffing-voor-ploegen-en-nachtarbeid-op-til  et https://www.tiberghien.com/nl/3357/wetsontwerp-houdende-verlaging-van-lasten-op-arbeid-aandachtspunten-voor-de-uitzendsector.

[2] Bien entendu, tout ceci ne s’applique que dans la mesure où l’employeur et le travailleur figurent dans le champ d’application d’une telle CCT rendue obligatoire.

[3] En effet, il s’agit d’une disposition normative individuelle qui régit la relation entre l’employeur et le travailleur.

[4] https://tiberghien.com/nl/3898/bv-vrijstelling-ploegenarbeid-enkel-identiek-werk-qua-omvang-niet-ongrondwettelijk

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  • Emma Van Caenegem

    Counsel